Genèse du fauteuil SUTRA

JEAN-SEBASTIEN BLANC, Designer associé du STUDIO 5.5

La collection SUTRA est signée Studio 5.5, pourquoi un collectif et pas un Designer ?

Jean-Sébastien Blanc : Nous sommes un collectif de designers ! C’est-à-dire que nous sommes plusieurs talents créatifs à travailler sous le même nom et ce depuis 2003. Le studio 5.5 c’est un état d’esprit générationnel plus qu’un style ou une « griffe » portés par un individu. Nous cherchons à créer des produits qui répondent à nos besoins et le partage des idées, la rencontre des divergences de points de vue définissent cette intelligence collective nécessaire pour concevoir pour le plus grand nombre.

Dans le processus de création, peut-on parler de collaboration avec EGO Paris ?

Oui complétement ! C’est même selon moi un cas d’école pour témoigner d’une collaboration entre un industriel et un studio de design. Cela fait maintenant presque 3 ans que nous nous sommes rencontrés, et l’envie de développer de nouveaux produits ensemble ne faiblit pas.

Aujourd’hui, chacun est libre d’argumenter ses positions et il s’est installé une grande confiance mutuelle. Les produits se dessinent naturellement et progressivement à la suite de nos échanges que ce soit autour d’un prototype à l’usine, en visio ou tout simplement par texto.

Les lignes de la collection SUTRA ont-elles été évidentes à décliner ?

L’inspiration première de la collection SUTRA est née de l’observation des célèbres barrières de plage appelées Ganivelle. Des lignes verticales très rythmées que l’on retrouve sur les dossiers des modules d’aménagement SUTRA.
Mais plus qu’une ligne, la collection SUTRA se distingue par l’intelligence d’usage de ses meubles conçus pour aménager et vivre son extérieur. L’objet le plus emblématique et selon moi, la table basse à géométrie variable qui double sa surface par simple mouvement, dans un jeu de peigne bi-matière. Il en résulte une ligne très graphique constituée de pleins et vides que nous avons repris pour dessiner les diverses références de la collection et notamment le fauteuil.

La section du profilé carré que nous utilisons de manière systématique participe également à cette homogénéité entre toutes les pièces qui composent la collection Sutra.

D’une manière plus globale, nous cherchions à dessiner une assise qui s’inscrive pleinement dans la lignée des fauteuils de jardin. Le plus connu étant à nos yeux, le célèbre fauteuil en plastique blanc dit « Grosffilex ». Une icône populaire que nous avons tous gardé en mémoire, tellement sa diffusion fut importante. Aujourd’hui ce fauteuil n’a plus la côte, il est certes économique, pas toujours très élégant mais surtout de faible qualité, ce qui ne correspond plus aux enjeux de l’époque. Mais cet objet a défini selon nous, de par ses proportions, une forme d’archétype du fauteuil de jardin et c’est en le revisitant dans une version plus épurée, plus confortable et surtout plus durable que nous avons donné naissance au fauteuil Sutra.

Quelles sont les contraintes « techniques », « d’usage », auxquelles doivent se plier un Designer pour dessiner une chaise ou un fauteuil ?

Honnêtement, même si la chaise répond à un usage plutôt primaire, c’est un sujet d’une haute complexité. Un sujet qui peut même devenir paralysant pour un designer tellement il existe de modèles de chaises sur cette terre. Selon moi, on ne crée jamais une chaise par hasard.

On dit fréquemment que l’on pourrait raconter l’histoire du design à travers l’histoire des chaises. Elles sont souvent le support d’une avancée technologique, des démonstrateurs du potentiel d’un nouveau matériau et procédé de mise en œuvre associé. Elles peuvent être aussi le témoignage de nouveaux comportements et de nouvelles façons de vivre notre environnement.

Alors concrètement, il y a les évidences, il va de soi qu’une chaise doit être confortable et ne pas faire mal au dos. Mais ce n’est pas tout ! Une chaise doit aussi être fonctionnelle, elle doit être légère, empilable et aujourd’hui durable.  On ne peut pas juste se faire plaisir avec une belle ligne, de belles épaisseurs de matière sans évaluer les conséquences sur l’énergie nécessaire à sa production et par conséquent son impact sur l’environnement. Et c’est cet équilibre entre des choix purement esthétiques et des considérations de faisabilité que nous devons arbitrer en tant que designer.

Pourquoi avoir d’abord pensé à dessiner un fauteuil avant une chaise ?

Nous recherchions une solution d’assise qui soit plus confortable qu’une simple chaise de jardin. Il était pour nous important de pouvoir penser dans le dessin les coussins qui sont souvent optionnels et très rarement intégrés dans le design de l’objet.

Pour répondre à cet objectif, il nous semblait important de proposer des accoudoirs pour reposer ses coudes et c’est bien ce point qui fait la différence entre un fauteuil et une chaise. La chaise fait également partie de la collection mais elle est effectivement arrivée comme une déclinaison du modèle fauteuil.

Pourquoi avoir fait le choix d’un dossier bas ?

Nous avons opté pour un dossier bas pour une seule et bonne raison est que nous souhaitions absolument que les pieds « avant » s’inscrivent dans la continuité de la ligne des accoudoirs. Et il était important pour nous que les fauteuils puissent être rangés sous la table. Par conséquent, le dossier est plus bas qu’une chaise classique mais c’est ce qui confère à ce fauteuil un caractère singulier et une certaine légèreté dans son dessin.

Le coussin du dossier vient redonner de la hauteur à la chaise sans pour autant empêcher son rangement.

Comment vous est venu l’idée de proposer différentes formes de coussins pour le dossier ?

En toute transparence, nous hésitions entre ces trois formes de coussins :  le carré parfait, le carré arrondi et l’arche. L’impact sur le dessin global de la chaise était énorme et chaque version avait sa légitimité et son intérêt. Au studio, on dit souvent que choisir c’est renoncer… et nous n’arrivions vraiment pas à nous décider, les argumentaires étaient tous trop subjectifs face à des considérations d’ordre purement stylistique. L’idée de proposer une gamme de coussins est apparue comme la solution.

Nous aimons l’idée que les gens puissent s’approprier leurs meubles, jusqu’au dessin. Et c’est d’ailleurs une des particularités de la marque EGO Paris. Cette idée que les gens allaient pouvoir, jouer avec les couleurs, les finitions et même les formes, dans une logique de personnalisation, s’inscrit parfaitement dans notre travail. On peut ainsi créer soi- même son style, en jouant avec les couleurs des coussins mais désormais avec les formes d’une chaise à l’autre, ce qui vient rompre avec la monotonie d’une série de chaises alignées.

 

En quoi le Design de ce fauteuil le rend-t-il intemporel ?

C’est toujours délicat de s’avancer sur ce sujet, car seul le temps dira si nous avons réussi à créer un fauteuil qui s’inscrit dans la durée. Ce qui est certain, c’est que nous n’avons pas cherché à l’inscrire dans la tendance du moment et nous n’avons rien rajouté de superficiel qui pourrait marquer son époque. C’est malheureusement souvent le design, au sens « esthétique » qui date les objets et rend les objets démodés quand les modes changent.

Le dessin de ce fauteuil est le résultat d’une volonté de créer un objet d’une grande intelligence de conception, qui remplisse son usage sans s’imposer. Dans ce sens, il me semble qu’il a tout pour devenir un fauteuil intemporel d’autant plus que sa qualité de fabrication va lui permettre de traverser les épreuves du temps en toute sérénité.

 

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